FATZER

d’après LA CHUTE DE L’ÉGOÏSTE JOHANN FATZER de Bertolt Brecht

PRÉSENTATION
fatzer_affiche

Un film de Philippe Vincent / d’après Brecht
(35 mm / N&B / 100 minutes / 2003).
Production Scènes, Virus productions, Théâtre des Bernardines,
Centre Culturel Charlie Chaplin, les Subsistances, Théâtre de la Croix-Rousse,
La Ville de Berlin, le Centre Culturel Français de Berlin, le Gœthe Institut.

FATZER L’ASOCIAL

Brecht a placé au centre de plusieurs de ses pièces un personnage d’ »asocial » dont la vitalité et l’énergie fascinent et effraient ceux qu’il côtoie. Il est intéressant d’observer comment l’écrivain marxiste Brecht, qui se rêvait parfois en sage chinois ou en penseur léniniste, s’est confronté à une figure qui était sans doute un autre aspect de sa personnalité. L’anarchiste Baal, et quelques années plus tard l’égoïste Johann Fatzer, sont les deux exemples les plus emblématiques de cette force asociale qui remet toutes les conventions, mais aussi toutes les idéologies en question. La fabrication de scandales, la destruction systématique des idéologies : deux tâches que Brecht assignait au théâtre et à l’art en général. De façon significative, les deux tentatives les plus passionnantes pour adapter une pièce de Brecht au cinéma ont pris pour objet cette énergie incontrôlable et ces deux films, l’un ancien, mais très rarement montré (Baal de Volker Schöndorff avec RainerWerner Fassbinder dans le rôle-titre), l’autre très récent (Fatzer, de Philippe Vincent), retrouvent tous deux les accents nihilistes des grands films noirs américains, marqués par la lumière héritée de l’expressionnisme allemand.

Fatzer renouvelle la pratique conjointe du théâtre et du cinéma. Le film n’est pas une captation de spectacle, c’est plutôt la représentation elle-même qui fut construite autour du tournage du film, les spectateurs devenant figurants et acteurs de l’histoire racontée. Tourné au cours de représentations en public à Marseille, à Vaux-en-Velin et dans la cour intérieure des Subsistances à Lyon, le film reprend et poursuit l’utopie concrète des Lehrstücke (terme trompeusement traduit par « pièces didactiques »).
A la fin des années vingt et au tout début des années trente, Brecht a développé une réflexion sur l’émancipation du spectateur ou de l’auditeur au travers d’une série « d’essais » visant à transformer radicalement les grands appareils de la culture de masse. Comme son texte « la théorie de la radio » cherchait à trouver des moyens de transformer un instrument de propagande en instrument de communication interactif, la série de pièces de théâtre écrites alors était destinée à ne pas être jouée devant un public passif, mais dans des laboratoires ou instituts de recherche où tous auraient participé au jeu. Le théâtre-spectacle serait aboli au profit d’un exercice de jeu abolissant la séparation entre acteurs et spectateurs. Cette anticipation du communisme, que Marx définit à plusieurs reprises comme l’abolition de la division du travail, dans le domaine théâtral restait pour Brecht quelques jours avant sa mort « le modèle du théâtre de l’avenir ». Sans recourir à de grands discours, Philippe Vincent et son équipe ont démontré qu’il était possible de rompre avec le « théâtre culinaire », où les spectateurs ne font que consommer des plats plus ou moins bien servis par des troupes professionnelles, et d’impliquer toutes et tous à une représentation de théâtre qui était aussi tournage de film. Chaque représentation n’était ainsi qu’une étape d’un processus de travail, fragment ouvert à l’élaboration d’autres fragments. Le caractère fragmentaire du travail, toujours visible dans le film Fatzer comme dans les manuscrits de Brecht, empêche la disparition du processus dans le produit.

Irène Bonnaud

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    BRECHT PLUS MINUS FILM

    Brecht dialog 2003. Thomas Martin und Erdmunt Wizisla.
    Avec le DVD du film Mauser de Philippe Vincent. Literaturforum im Brecht-Haus Berlin.
    Edition Theater der Zeit (2004) Germany. ISBN 3934344259
    Avec la participation de la Compagnie Scènes à l’occasion de la présentation du film Fatzer à Berlin.

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