LA MISSION

Souvenir d’une révolution

PRÉSENTATION
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LA MISSION : INTERVIEW DE PHILIPPE VINCENT

Propos recueillis par Cathy Bouvard

Tu montes “LA MISSION”, c’est un texte qui te tenait à coeur, Müller te tenait à coeur ?

Je n’avais pas une envie spéciale de créer “LA MISSION”, mais j’aime bien le thème central de “L’HOMME DANS L’ASCENSEUR”. J’aime bien le titre aussi. Il est fort. Mais j’ai pour principe de dire que le texte n’a pas d’importance. “HAMLET”, “L’AFFAIRE DE LA RUE DE LOURCINE”, “LES BONNES”… je fais toujours le même spectacle. Il y a une continuité dans mon théâtre, un ton général. Je ne fais pas de différence entre mes pièces. Un bon texte, c’est un des multiples éléments qui permettent de faire une bonne pièce, ni plus, ni moins.

Alors Philippe Vincent n’a jamais monté la pièce d’un auteur ?

Non. Le théâtre a toujours eu des angoisses vis à vis de l’écriture. Il a un complexe d’infériorité face à la littérature. Ca vient de l’école, t’es môme, on te dit “tiens lis Molière c’est ça le théâtre”. On ne t’emmène jamais voir un spectacle de Mnouchkine, de Wilson ou de Kantor. Moi, je fais un travail de plus en plus musical, là il y aura quatre musiciens, un new-yorkais, un suisse-allemand, deux stéphanois. Le théâtre n’est pas là pour expliquer des textes. La plupart des metteurs en scène font un boulot pédagogique. Pourtant la seule chose qu’on peut faire au théâtre, ce sont des images et de la musique. Je suis contre ceux qui disent que le texte fait tout, ceux qui se mettent derrière lui… Ce sont quand même eux qui touchent le blé à la fin de l’histoire. Shakespeare a survécu à beaucoup de mauvaises mises en scène, il ne faut pas se faire de souci pour lui. Mettre en scène, c’est autre chose. S’il faut être à la hauteur du texte, c’est parce que c’est un ennemi à abattre. Moi je suis là pour agencer des conflits entre les choses, faire s’opposer une image avec le texte et que les spectateurs assistent au conflit. Je lance des choses les unes contre les autres et j’attends des réponses, c’est tout. Il ne faut pas vouloir faire éprouver des choses. Il faut balancer des pavés dans la mare et voir ce que ça donne. L’intéressant, c’est la réponse, ce n’est pas le problème d’aimer ou de ne pas aimer.

Tu n’assumes donc aucune responsabilité quant à ce que provoquent tes spectacles ?

On a à faire à des “acheteurs de spectacles”, alors on fait des spectacles, des spectacles à vendre pour pouvoir manger et faire du théâtre. Les institutions ne nous demandent pas de faire du théâtre, mais ce n’est pas grave. On essaie d’en faire quand même. On le fait pour le dialogue qui peut s’instaurer entre toi et les gens. Je ne délivre aucun message. Le seul message de “LA MISSION” est celui d’un message qui arrive en retard. Elle raconte que les plus grandes convictions peuvent fondre devant la réalité. Pour caricaturer, la pièce dit : dans la vie on ne fait pas d’omelette sans casser des oeufs. Si tu veux faire la paix, il faut faire la guerre. Tout baigne dans le sang. Que celui qui n’a jamais péché lance la première pierre. Et il sera pécheur lorsqu’il l’aura lancée. Si tu veux provoquer la révolution et qu’un homme favorable à la révolution fait une erreur d’appréciation, il faut l’éliminer. “LA MISSION” a un côté kafkaïen. Pour arrêter la tuerie on tue. On peut être contre la guerre mais pas pour la paix.

Tu définies ton travail de metteur en scène, comme un art de la contestation ?

De la contestation ? Non. Mais mon ambition est d’affronter l’institution. Il faut être dedans, si tu veux faire du théâtre, si tu veux avoir du pouvoir. Il faut être dans la marge mais toujours sur le cahier. L’institution, c’est elle qui te donne l’argent. Bien sûr, ça ne sert à rien le pouvoir : c’est comme une grosse bagnole, t’es content de l’avoir sur l’autoroute même si la vitesse est limitée pour tout le monde à 110.
L’habileté, c’est d’être dedans et dehors, à cheval. Je me revendique un peu dadaïste. L’institution, il faut faire très attention de ne pas tomber dedans, sinon t’es mort, mais il ne faut pas non plus trop t’en éloigner, sinon tu deviens aussi impuissant qu’elle, à l’autre extrémité.
Au théâtre, si tu ne réussis pas ce que tu veux au moment où tu es vivant, tu n’as aucune possibilité de le réaliser après ta mort. Müller dit que les morts dictent leur pouvoir aux vivants… C’est différent du cinéma ou de la peinture. A un moment tu es obligé d’être là, de te battre. “LA MISSION” raconte ça. Pour faire la révolution, t’es obligé d’être là. Si tu la veux, c’est toi qui couperas les têtes. Au théâtre t’es dans ce conflit là. De toute façon on mourra en soldat, autant le savoir avant.

DISTRIBUTION

CRÉATION LE 16 AVRIL 1998 AU THÉÂTRE DE LA CROIX-ROUSSE

texte : Heiner Müller
d’après LA LUMIERE SUR LE GIBET de Anna Seghers
traduit de l’allemand par : Jean Jourdheuil et Heinz Schwarzinger

mise en scène : Philippe Vincent

décor : Jean-Philippe Murgue
en collaboration avec : Jacques Mollon
accessoires : Bianca Falsetti
costumes : Cathy Ray
musique : ZOU, Dominique Lentin, Bob Lipman, Patricia Wy­­­­­­der, Daniel Brothier
lumière : Hubert Arnaud
régie et construction : Rémy Fonferrier et Saïd Benkoussas
Image film : Pierre Grange
Assisté de : Jean-Yves Bruyas et Pierre Rochigneux
Photographie : Bertrand Saugier
avec :
Stéphane Bernard
Yves Bressiant
Claire Cathy
Gilles Chabrier
Yves Charreton ou Jean-Claude Martin
Anne Ferret
Anne Raymond

Musiciens :
Dominique Lentin,
Bob Lipman,
Patricia Wy­­­­­­der,
Daniel Brothier

Chargés de production : Brigitte Delore et Eric Favre
Administration : Laure Berger
Production : SCÈNES
en coproduction avec :
Le Théâtre de Vénissieux
en coréalisation avec :
Le Théâtre de la Croix Rousse
L’Espace Malraux de Chambery

Avec l’aide de :
La SPEDIDAM, L’ADAMI, La Région Rhône-Alpes

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